Aider à l’avénenement d’une sécurité alimentaire basée sur les dernières évolutions technologiques, tel est l’objectif d’un rapport à paraître en fin d’année, financé par la Fondation de la LRQA.
(LRQA). LRQA, basé à Londres, est un leader mondial dans la vérification et la certification. Le groupe appartient à la Fondation LRQA qui redistribue l’intégralité des bénéfices sous forme de projets caritatifs selon les principes de l’économie sociale et solidaire.
La Fondation LRQA financera cette étude, en faisant appel à des experts du privé, des universités, des ONG et des institutions de tous pays, afin de réfléchir à l’avenir de la sécurité alimentaire.
Ce rapport devra définir les leviers essentiels pour faire naître au plus vite une chaîne alimentaire plus sûre, plus sociale et plus durable.
"D’ores et déjà, on sait que la filière agroalimentaire sera technologique et dirigée par le consommateur" affirme Vincent Doumeizel, Vice-Président Agroalimentaire et Développement Durable chez LRQA.
Retrouvez aussi l'interview de Vincent Doumeizel sur BFM Business en partenariat avec Agro-media.fr.
Pourquoi la Fondation de la LRQA s’intéresse-t-elle à l’alimentation ? Et quel en est l’état des lieux ?
Vincent Doumeizel : Depuis plus de 20 ans, LRQA est un précurseur dans la vérification de la sécurité alimentaire à travers le monde. Aujourd’hui l’émergence de nouvelles technologies ouvrent des horizons vers des changements fondamentaux. La Fondation LRQA a donc naturellement décidé d’étudier ces tendances afin de réduire encore les risques alimentaires, tant pour la santé des consommateurs que pour notre écosystème.
Pour ce qui est de l’état des lieux, il faut se rappeler tout d’abord que si la courbe d’insécurité alimentaire s’est largement améliorée en 40 ans (44% de la population était en détresse alimentaire selon la FAO en 1980, seulement 9% aujourd’hui), 800 millions de personnes meurent encore de faim et 300 000 bouches supplémentaires sont à nourrir tous les jours sur terre.
Toutes les tendances lourdes indiquent qu’il sera très compliqué de produire de la nourriture en quantité suffisante et de qualité pour une population de 10 milliards à l’horizon 2050. Cependant, il faut rester positif, au fil de son histoire, l’homme n’a cessé d’innover et de trouver des solutions pour se nourrir. Les innovations technologiques actuelles sont porteuses de beaucoup d’espoir dans ce domaine.
«L’industriel doit faire des marges et être rentable mais il a aussi l’intérêt, et le devoir, de ne pas nuire à la société dans le long terme»
Peut-on en dire autant sur la sécurité alimentaire ?
V.D. : Pour reprendre le concept de l’ONU, la sécurité alimentaire se décompose en 3 paliers.
Le premier niveau est celui de la lutte contre les pathogènes et autres infections alimentaires. Ces derniers, malgré les efforts déployés, demeurent un fléau considérable comme le montre les récents scandales en France et ailleurs.
Le second niveau se situe dans le moyen terme avec l’impact dans la durée de notre alimentation sur notre santé. Elle est caractérisée par le développement actuel du diabète, de l’obésité, des problèmes cardio-vasculaires et autres maladies non transmissibles.
Enfin, le dernier niveau de la sécurité alimentaire correspond à l’impact de l’industrie alimentaire sur notre planète à long terme (déforestation, appauvrissement des sols, déficit hydrique, pollution, fragilité de la biodiversité, etc…). L’amélioration sur chacun de ces trois axes est portée par nos services de certifications et de vérifications. Plus l’industrie établira des exigences précises, vérifiables par des tierce-parties indépendantes, plus le consommateur sera informé et la sécurité alimentaire renforcée.
La filière agroalimentaire est justement montrée du doigt pour sa course effrénée à la production. Un système qui s’essouffle ?
V.D. : La filière doit être productive car la demande calorique croit très fortement sous l’effet conjugué de la croissance de la population et des changements en cours vers une alimentation plus riche et carnée dans les pays émergents. Notre système alimentaire a été bâti à l’après-guerre. Pertinent à l’époque, ce modèle ne l’est plus aujourd’hui. Nous nous en rendons compte tous les jours. Cette faillite du système fait d’ailleurs souffrir en premier lieu les producteurs qui n’arrivent plus à vivre de leur activité. L’industriel, lui, doit faire face à des exigences de plus en plus strictes, à une chaîne d’approvisionnement complexe et à des attentes croissantes de consommateurs par ailleurs soucieux de réduire encore la part des dépenses alimentaires dans leur budget. Au final, tout cela nuit fortement à la qualité et à la durabilité de la filière.
Mais la responsabilité est du côté des consommateurs ! Nous avons de plus en plus le choix de ce que nous mangeons, et chacun de nous, à sa mesure, peut influencer par ses décisions les évolutions du système.
Les grands industriels et les distributeurs, sont de plus en plus soumis aux exigences de leurs consommateurs. Les récents investissements des grandes marques dans le domaine du bio, dont la demande est en croissance dans nos pays, le démontre bien.
Ainsi en faisant l’effort de comprendre les étiquettes, nous pouvons donc intervenir sur les mutations en cours dans l’industrie alimentaire !
Le consommateur et la technologie prennent le pouvoir
Quelles solutions pour nourrir la planète sainement ?
V.D. : Aujourd’hui, nous voyons clairement se dessiner un système plus global, collaboratif et automatisé à la convergence de deux forces puissantes. D’un côté les révolutions technologiques, de l’autre l’évolution des attentes de consommateurs avertis.
Sur ce dernier point, nous appartenons sans doute à la première génération consciente des conséquences de son mode de fonctionnement. Une génération éduquée, soucieuse et exigeante qui peut tout connaître d’un produit en cliquant sur son smartphone ! En tant qu’organisme de vérification, nous sommes les garants de la réalité des engagements de l’industrie alimentaire qui tente d’apporter une réponse à nos appels à une société plus bio, plus saine, plus éthique, plus respectueuse de l’environnement, etc...
Les labels et les certificats permettent de donner un sens à la consommation.
Que vont apporter les révolutions technologiques ?
V.D. : Ici, encore plus que dans d’autres filières, les nouvelles technologies donneront lieu à des mutations radicales qui doivent nous rendre optimistes. Concernant les moyens de production tout d’abord, le changement de paradigme est en cours. Si on prend l’exemple des protéines alternatives durables, les projets liés aux algues, à l’aquaculture et aux insectes sont très nombreux et tirent largement profit des avancées technologiques. Pensez que seulement 2% des océans dédiés à la culture d’algues permettraient de nourrir 12 milliards de personnes en protéines. Notre Fondation finance d’ailleurs aussi des projets dans ce domaine.
Il faut mentionner aussi les récents progrès sur le séquençage du génome qui permettent une nouvelle compréhension du vivant bouleversant nos modèles tant pour la production que pour la bio-protection et le contrôle alimentaire.
Enfin pour ce qui est de la transparence et de la fluidité des échanges, on pourrait citer la technologie des blockchains (registres distribués) qui laisse entrevoir des innovations de rupture comparables à celles apportées par internet au cours des décennies passées. A travers celle-ci, il deviendrait possible de regrouper tous les opérateurs au sein d’une structure économique neutre, transparente et publique qui permettrait des transactions instantanées et totalement sécurisées. Les bénéfices pour tous seraient immenses !
En reliant toutes ces innovations, et tant d’autres encore à venir, nous pouvons espérer atteindre une maîtrise totale et optimisée de l’industrie alimentaire de la « fourche à la fourchette », permettant à la fois de mieux nourrir le consommateur et de mieux rémunérer les acteurs les plus fragiles de cette filière.
Mais encore une fois, fort de cette nouvelle transparence, il restera de notre responsabilité à tous, à travers nos choix quotidiens, de contribuer à faire naître et à améliorer encore ce nouveau modèle pour une production alimentaire plus vertueuse !
Propos recueillis par Nathalie Delmas